Nos assemblées de Province, cette année, orientent notre réflexion sur le thème de la rencontre. A Kermaria, justement, avait lieu le dimanche 21 septembre, une rencontre insolite avec un groupe de 13 personnes venues de tous horizons.
C’étaient les descendants de Poilus et de familles accueillis à Kermaria durant la première guerre mondiale, venus chercher ici, avec autant d’émotion que de curiosité, les traces d’ancêtres mal connus, ou inconnus.
Cette rencontre relevait d’une initiative du Service des Archives générales. A fréquenter assidûment les documents empreints d’une si chaleureuse cordialité, concernant nos soldats ou leurs familles, on s’imprègne forcément des mêmes dispositions à leur égard, et, spontanément, cent ans après, on brûle d’exprimer cette sympathie, sinon aux intéressés, aujourd’hui disparus, au moins à leurs descendants.
Mais que faire, quand on ignore tout d’eux : l’adresse, l’identité, et même l’existence ? La chance nous a aidées et nous l’avons aidée … En ce dimanche 21 septembre 2014, ils sont là !
Les Participants
Voici d’abord les descendants de la famille HOCQUET, originaire de Blécourt, près de Cambrai (59). Ils sont neuf, venus du Nord, de Haute-Garonne et de Loire Atlantique. Il s’agit des petits-enfants et arrière-petits-enfants de deux frères soldats, Achille et Henri Hocquet. Celui-ci, après la guerre, rentra à Blécourt ; Achille s’établit en Loire Atlantique. Rapidement les relations entre les deux branches s’espacèrent puis cessèrent complètement. C’est donc grâce au service des Archives que le contact s’est rétabli entre elles, pour aboutir aujourd’hui à leur première rencontre depuis un siècle qu’elles s’étaient perdues de vue.
Voici Gisèle et Jean-François SUBLET, dont le grand-père, un Bourguignon nommé Jules Foutelet, passa une courte convalescence à Kermaria en 1915. Nos archives ne faisaient aucune mention particulière de ce jeune homme. Mais, au printemps dernier, voici que Jean-François et Gisèle arrivent à Kermaria , en quête de ce mystérieux couvent dont parlait l’abondante correspondance adressée aux siens par le jeune militaire. Cette correspondance, qu’ils nous ont spontanément communiquée, constitue un vrai trésor par les témoignages saisissants sur l’horreur des champs de bataille et les jugements, d’une profondeur inattendue chez un si jeune homme, sur la guerre et sur tous les fauteurs de guerre.
Voici enfin le Général Christian MILLÉCAMPS et sa sœur Régine, petits-enfants d’Alphonse MILLÉCAMPS. La famille Millécamps, réfugiée d’Armentières (59) et installée à l’ancienne ferme du Sullio de 1915 à 1919, a noué avec Kermaria un lien privilégié. En effet, la plus jeune des filles, Germaine, âgée de 11 ans à son arrivée, deviendra Fille de Jésus sous le nom de Sœur Emile Victor, créant ainsi en sa personne un lien désormais indissoluble entre la Congrégation des Filles de Jésus et la famille Millécamps.
Une journée bien remplie
Pour accueillir ces invités avec l’équipe des Archives Générales, se trouvaient Sr Odette Le Tutour, vice-provinciale, représentant la congrégation, et deux membres du comité de pilotage de l’exposition.
Au jour J, pas de retardataires au rendez-vous fixé à 8h30 ! Les plus éloignés sont là depuis la veille et parmi eux la famille d’Henri Hocquet. Le lendemain, celle de son frère Achille, arrivée la première, fait la connaissance de ses cousins du Nord, renouant les liens rompus depuis presqu’un siècle !
Après un rapide café de bienvenue pour tous, sœur Anne entraîne la troupe pour une visite guidée de l’exposition, bientôt interrompue par le journaliste venu «couvrir l’évènement ».
A l’appel du carillon on se dirige vers la chapelle pour la messe dominicale. Forte émotion, avoueront certains, de se sentir tout à coup très proches de ce grand-père, cet arrière-grand-père inconnu, qui les a précédés en ce lieu où il a prié, chanté, trouvé dans sa foi et sa confiance en Dieu la force de tenir. Avant la célébration, Sœur Odette souhaite la bienvenue à nos hôtes et amis, les présente à l’assemblée, rappelle la raison de leur présence ici, et la charge symbolique d’une telle rencontre. Pour quelques-uns, ce moment de foi partagée a constitué un temps fort de la journée.
Au sortir de la chapelle, un circuit a été prévu pour mieux connaître l’ensemble de Kermaria. On fait ainsi une pause à l’oratoire de Saint Joseph le Pauvre, puis on prend la pose devant le bâtiment qui fut l’hôpital St Joseph… et chacun, dans son esprit, évoque l’image d’un aïeul qui y séjourna !
Et c’est le repas de fête, dans la salle du Sacré-Cœur, encore pimpante de sa récente rénovation !
Pour ce qui est du menu, l’équipe des archives s’est chargée de tout, de l’apéritif au dessert.
Le seul souvenir en fait encore saliver plus d’un !
L’après-midi, retour aux Archives pour reprendre la visite de l’exposition et surtout visionner la vidéo qui lui fait écho. Puis, vers 17h, c’est le goûter d’adieu.
« Une journée « inoubliable »
Tel est le « mot » qui revient sur toutes les lèvres et toutes les plumes. Pourquoi ? “ On ne s’attendait pas à cela !” Surprise donc ! Surtout pour ceux qui découvrent Kermaria pour la première fois : un vaste espace fleuri, non clôturé de murs ; des constructions imposantes et harmonieuses, parfaitement entretenues ; intérieurs coquets aux couleurs vives ; bref, un couvent qui casse les clichés conventionnels. Et là-dedans, des sœurs âgées, certes, mais ouvertes sur l’extérieur et nullement en décalage avec le monde actuel : à preuve, l’E.H.P.A.D. et l’accueil de jour ouverts l’un et l’autre aussi bien aux laïcs qu’aux religieuses, mais aussi la compétence des sœurs dans la maîtrise des techniques et technologies nouvelles : informatique, audio-visuel, web…
Surprise aussi que cette journée elle-même !
A commencer par l’initiative de provoquer une telle rencontre !
Son organisation minutieuse !
Le repas de fête !
Et, par-dessus tout, la chaleur de l’accueil !
Le plus important pour tous a toutefois été le climat amical, fraternel et chaleureux qui s’est instauré d’emblée dans le groupe « comme si on s’était toujours connus ». Effectivement, on aurait cru une fête de famille rassemblant des parents, heureux de se retrouver après une longue séparation (ce qui était réellement le cas pour la famille Hocquet). Ce climat a favorisé les échanges tout au long de la journée.
Beaucoup ont apprécié d’acquérir, à cette occasion, une meilleure connaissance de leur histoire familiale. La plupart, en effet, n’avaient qu’une connaissance assez vague de leurs parents ayant séjourné à Kermaria : raison, circonstances, date de leur arrivée, durée de leur séjour, parcours militaires…. éléments essentiels ou détails qu’ils ont été heureux d’éclaircir grâce à ce que nous en savions, nous, par nos archives et nos recherches. Et tout à coup, voilà que, dans l’épaisseur du passé familial, telle figure se détache avec netteté, suscitant admiration et affection, et donnant plus de poids et de valeur, semble-t-il, à l’existence présente des descendants.
Tous les participants estiment qu’une journée comme celle-ci était “une parfaite réussite et un bonheur partagé”. Chacun a conscience d’avoir vécu là des moments forts, particulièrement intenses, et chargés d’émotion.
Aussi les adieux n’ont-ils pas été exempts d’une certaine nostalgie. Mais faut-il parler d’adieux ? Tous ont bien l’intention de repasser à Kermaria, à l’occasion de vacances ou de voyage en Bretagne, accompagnés peut-être de tel ou tel autre membre de leur famille. Nous-mêmes, avons bien l’intention d’inscrire une rencontre avec nos amis du Nord et de la Marne, dans le programme du voyage que nous préparons en ce moment pour nos sœurs, et qui, du 17 au 22 avril 2015, doit nous emmener sur les traces de nos Poilus en Artois, dans la Somme, au Chemin des Dames, à Verdun et dans ses environs. Les liens noués, seront maintenus et affermis.
Ce n’est qu’un au-revoir !
Oui, nous nous reverrons !
Kenavo !
Soeur Emma L’HELGOUARC ‘ H
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