Homélie de la célébration eucharistique
Chers amis, frères et sœurs,
Que peut-on dire de Joseph, l’époux de Marie, dont les évangiles parlent peu ? Que peut-on ajouter à tout ce qui a été déjà été écrit ou dit sur lui ? En ce 1er mai la fête de saint Joseph est comme un avant-goût des beaux jours qui arrivent. Nous ne cesserons jamais en effet de parler de saint Joseph, cet homme ordinaire, comme d’un rayon de lumière dans l’ordinaire de nos vies.
Oui, saint Joseph est un être de lumière sur notre route de chrétien vers la sainteté. Et la préface de la messe de ce jour n’est pas avare de titres ou de qualificatifs pour parler de lui : c’est un homme juste, époux de la Vierge Marie, le serviteur fidèle et prudent, le gardien de la sainte famille. Il veilla comme un père sur Jésus. Le pape Jean-Paul II, dans son exhortation apostolique sur saint Joseph écrivait : « Au cours de sa vie qui fut un pèlerinage dans la foi, Joseph, comme Marie, resta fidèle jusqu’au bout à l’appel de Dieu. »
À la lumière de la Parole de Dieu que nous venons d’entendre, je voudrais évoquer une fois encore cette belle figure de sainteté. Quatre traits méritent d’être soulignés.
Un homme de foi profonde
Joseph est tout d’abord un homme de foi profonde. Au milieu d’événements qui parfois le dépassent ou le bouleversent, Joseph reste fidèle à Dieu. L’évangéliste Matthieu rapporte que l’ange du Seigneur lui dit en songe : « Ne crains pas… ». Et l’Évangile de conclure : « Quand Joseph se réveille, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit. ». Un jeune dominicain, brillant exégète, parle de Joseph comme de « l’homme endormi ». Le sommeil est un thème favori de la Bible. À la manière d’Adam qui découvre Ève après son sommeil ou encore de Booz qui rencontre Ruth, « Joseph se situe dans la lignée de ces dormeurs en instance de noces ».
Le sommeil, c’est tout un symbole ! Des événements se passent à notre insu pendant que nous dormons. Pour s’endormir, il faut accepter de lâcher prise. Cela veut dire que nous ne pouvons pas tout maîtriser. Dans la Bible, c’est Dieu qui a l’initiative. Il faut s’en remettre à lui.
Au cœur des difficultés, des épreuves, ce sommeil signifie que la foi de Joseph est faite de confiance, d’attente, de disponibilité et de fidélité. Joseph croit en « celui qui nous conduit par des chemins qui ne sont pas les nôtres » (messe votive de saint Joseph).
En cette année de la miséricorde, Joseph est un exemple de foi solide.
Un homme silencieux
Joseph est aussi un homme silencieux. Aucune parole de lui n’a été transmise dans les évangiles. C’est un homme intériorisé. Dans nos vies dispersées, marquées parfois par un activisme tourbillonnant, et donc superficielles, Joseph nous invite à mettre une priorité sur la prière. Et cela sans oublier les devoirs d’état particulier qui sont les nôtres. N’oublions pas que Joseph est tout à la fois le saint patron des époux, des pères de familles, des artisans, de l’Église tout entière avec ses divers états de vie. Au moment où la famille est menacée, ou l’institution du mariage est remise en cause, saint Joseph par son silence et sa détermination nous dit l’importance des liens sociaux que nous instituons.
Le silence, la relecture des événements, la contemplation, tout cela nous est suggéré par la vie de saint Joseph.
Un homme juste
Un homme de foi, un homme silencieux, mais l’Évangile nous dit que saint Joseph était un « homme juste ». Le juste dans la Bible est celui qui accomplit de tout son cœur la volonté de Dieu. Dans le silence riche d’intériorité et d’union à Dieu, Joseph met sa volonté en pleine harmonie avec la volonté de Dieu. Il est ajusté à Dieu. Il nous indique la voie du renoncement à nous-mêmes pour mettre l’amour véritable au cœur de nos vies.
Avec saint Joseph comme modèle, nous apprenons l’amour humble et profond de Dieu et de nos frères.
Joseph, Marie, Jésus, à Nazareth, faisaient partie des pauvres de Dieu. Or les pauvres de Dieu se caractérisent dans la Bible par un grand sens de la souveraineté de Dieu. Les pouvoirs humains sont donc relativisés. Ils se caractérisent aussi par un abandon confiant entre les mains de Dieu et enfin ils vivent avec une grande espérance. Le règne de Dieu arrivera. Les orientations pastorales du pape François (La joie de l’Évangile, La joie de l’amour) nous mettent déjà sur ce chemin de pauvreté.
Un homme qui intercède auprès de Dieu
Enfin saint Joseph est un homme qui intercède auprès de Dieu. Sainte Thèrèse d’Avila écrivait à ce sujet : « Je ne me souviens pas de lui avoir jamais rien demandé jusqu’à ce jour qu’il ne me l’ait accordé, ni ne puis penser sans étonnement aux grâces que Dieu m’a faites par son intercession et aux périls dont il m’a délivré tant pour l’âme que pour le corps (…) Je sais par expérience que saint Joseph nous secourt en tout, comme si Notre Seigneur voulait nous faire entendre que de même qu’il lui était soumis sur terre, parce qu’il lui tenait lieu de père et en portait le nom, il ne peut dans le ciel rien lui refuser. »
Que cette eucharistie soit une louange à Dieu comme nous y invite la liturgie : « En fêtant saint Joseph, c’est toi que nous exaltons, toi que nous bénissons ! »
Homélie des Vêpres
Chers amis, frères et sœurs,
Il y a plusieurs années, le Pape François a demandé que l’on réintègre dans la prière eucharistique la mention « saint Joseph son époux ». Nous ne pouvons que nous réjouir de cette heureuse initiative. Pour deux raisons :
D’une part, avec la Vierge Marie, saint Joseph est un personnage attachant de l’entourage de Jésus. Il est souvent représenté par les artistes empreint de paternelle douceur.
D’autre part, l’Église lui consacre deux fêtes : le 19 mars, elle l’honore comme époux de la Vierge Marie et protecteur de la Sainte Famille et le 1er mai comme patron des travailleurs. Cette seconde fête fut instituée par Pie XII.
Il n’est pas inutile de rappeler aussi que le nom de Joseph signifie « rejeton vigoureux » ou « rameau chargé de fruits ». Deux expressions qui disent la fécondité de sa vie spirituelle.
Dans l’histoire de l’Église, saint Joseph fut longtemps ignoré, oublié. C’est un fait : il donne l’impression lorsqu’on lit les évangiles qu’il s’est appliqué à se faire discret, anonyme, silencieux. La dévotion à saint Joseph ne s’est vraiment développée que bien des siècles après sa mort. Il faut quasiment attendre Thérèse d’Avila, au 16e siècle, pour que l’on parle de ses mérites. La sainte contribua à répandre la dévotion à saint Joseph.
Je voudrais insister tout particulièrement aujourd’hui sur l’importance de cette vie intérieure. Saint Joseph, est à ce sujet, un modèle de silence, de profondeur dans la foi, d’intériorité.
En 1989, dans son Exhortation apostolique sur saint Joseph, Redemptoris custos, le pape Jean-Paul II soulignait la dimension contemplative de cet homme que l’on dit si discret et dont les évangiles parlent si peu. « Le climat de silence qui accompagne tout ce qui se réfère à la figure de Joseph s’étend aussi à son travail de charpentier dans la maison de Nazareth. Toutefois, c’est un silence qui révèle d’une manière spéciale le profil intérieur de cette figure. Les évangiles parlent exclusivement de ce que “fit” Joseph ; mais ils permettent de découvrir dans ses “actions”, enveloppées de silence, un climat de profonde contemplation. Joseph était quotidiennement en contact avec le mystère “caché depuis les siècles”, qui “établit sa demeure” sous son toit » (n° 25). Tout est magnifiquement dit dans cette citation sur l’intériorité de saint Joseph.
Un climat de profonde contemplation
L’oraison de ce jour, en ce sens, nous rappelle ce que fut la mission première de saint Joseph : « Dieu tout-puissant, à l’aube des temps nouveaux, tu as confié à saint Joseph la garde des mystères du salut… ». Garder les mystères du salut, c’est être donné tout entier au service de Dieu, au service de Jésus, le Fils de Dieu, dans son incarnation.
Pendant trente années, Jésus a vécu dans un grand silence au côté de Joseph l’homme discret et contemplatif.
De plus, l’évangile de Matthieu nous dit que « l’ange du Seigneur apparut en songe » à Joseph. Cette simple notation n’est pas anodine. Elle signifie que Joseph possède une vie intérieure très développée.
C’est une certitude : le charpentier de Nazareth, l’artisan du village devait quitter souvent son travail et sa clientèle pour aller à la synagogue et y prier les psaumes. Il a prié le psaume 88 que nous venons d’entendre, à la gloire de David : « L’amour du Seigneur, sans fin je le chante » « Sans fin, je lui garderai mon amour, mon alliance avec lui sera fidèle ». Une des fonctions de Joseph est de conférer à Jésus la filiation davidique. On attendait donc en Israël un descendant de David, le nouveau roi dont le règne n’aurait pas de fin. D’où ce psaume proposé par la liturgie.
Joseph le contemplatif est conscient de cela. Il a profondément médité ce mystère, il a bien intériorisé cette inscription dans la filiation davidique. Il comprend dans la foi ce que sera la destinée de Jésus, le Fils de Dieu.
Même en songe, cette contemplation se poursuit. En effet Dieu parle au cœur à tout moment, jour et nuit, dans les activités comme dans le temps du repos. Une seule condition : être aux aguets pour entendre les appels de Dieu. Joseph a pu dire comme dans le Cantique des cantiques : « Je dors mais mon cœur veille » (Ct 5, 2).
Belle leçon pour nous aujourd’hui ! Sommes-nous, nous aussi, comme saint Joseph le contemplatif, gardien des « mystères du salut » ? Sommes-nous attentifs aux appels de Dieu ?
Un exemple lumineux de vie intérieure
L’Exhortation de Jean-Paul II se poursuit avec cette affirmation : « Cela explique par exemple pourquoi sainte Thérèse de Jésus, la grande réformatrice du Carmel contemplatif, se fit la promotrice du renouveau du culte rendu à saint Joseph dans la chrétienté occidentale. (…) Les âmes les plus sensibles aux impulsions de l’amour divin voient à juste titre en Joseph un exemple lumineux de vie intérieure. En outre, l’apparente tension entre la vie active et la vie contemplative est dépassée en lui de manière idéale, comme cela peut se faire en celui qui possède la perfection de la charité » (n° 25).
« Un exemple lumineux de vie intérieure. » Dans les vitraux de nos églises, saint Joseph est souvent représenté avec la scie et le rabot du charpentier, en homme actif. Il est représenté en même temps comme éducateur de Jésus, lui apprenant le métier manuel. Cela a pour objectif de nous faire entrer dans la plénitude du mystère de l’Incarnation. « Jésus a grandit en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes » nous dit saint Luc dans son évangile (Lc 2, 52).
Actif et contemplatif, les deux en même temps. Tel est saint Joseph, parlant avec Jésus son enfant du métier de charpentier mais aussi des mystères de Dieu. On imagine sans difficulté l’affection et la tendresse réciproques.
L’atelier de Nazareth est alors un beau symbole de la vie intérieure.
Alors que nous vivons dans un monde trépidant, plus souvent dans l’activisme et l’agitation que dans le repos et le silence intérieur, saint Joseph nous invite en quelque sorte dans son atelier. Nos activités multiples sont-elles « purement ordonnées au service et à la louange de Dieu », comme le dit si bien saint Ignace de Loyola.
Chers amis suivons saint Joseph, « exemple lumineux de vie intérieure » !
Regarder le Christ
De même que Marie, mère de Jésus, est la Mère de l’Église, de même Joseph, gardien de Jésus, est le protecteur de l’Église. Notre Église a bien besoin, en ces temps difficiles, d’enraciner encore davantage sa vie dans le Christ. Je trouve à ce sujet très parlant le fait que le Rapport final du premier Synode sur la famille, en octobre dernier, nous invite, après un regard sociologique sur les familles d’aujourd’hui, à regarder vers le Christ et vers « l’Évangile de la famille ». Sans ce regard contemplatif, nous serions sans doute un peu pessimistes, sans espérance vis-à-vis du monde actuel.
Chers amis, que cette eucharistie, en la fête de saint Joseph, nous donne de pénétrer plus profondément dans le mystère du Christ.
Que notre vie intérieure nous donne d’être contemplatifs dans l’action et actifs dans la contemplation. Ou pour le dire autrement : que notre vie quotidienne tienne à la fois de Joseph pleinement dans l’action et de Marie qui « méditait toutes ces choses dans son cœur » ! Tous les deux actifs et contemplatifs, dans une même unité de vie.
Redisons alors la prière du pape François : « Saint Joseph, nous te consacrons les fatigues et les joies de chaque jour ; nous te consacrons les attentes et les espérances de l’Église ; nous te consacrons les pensées, les désirs et les œuvres : que tout s’accomplisse dans le Nom du Seigneur Jésus. Ta protection douce, ferme et silencieuse a soutenu, guidé et consolé la vie cachée de la sainte Famille de Nazareth : protège nos familles, renouvelle aussi, pour nous, ta paternité et garde-nous fidèles jusqu’à la fin » (Pape François, le 5 juillet 2013, sur la place du gouvernorat de la Cité du Vatican).
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