Homélie prononcée lors de l’eucharistie du 1er mai à St Joseph de Kermaria par Monseigneur Guy HARPIGNY évêque de Tournai

Jésus est à la synagogue de Nazareth. Il y enseigne. Les personnes présentes sont étonnées. D’où lui viennent cette sagesse et ces miracles ? D’où lui vient tout cela ? Les personnes présentes connaissent Jésus. Elles peuvent donner son identité. N’est-il pas le fils de Joseph, le charpentier ? Ces personnes sont tellement certaines de connaître l’identité de Jésus qu’elles ne parviennent pas à saisir la nouveauté de l’événement. Le fait de connaître la famille de Jésus devient, pour les personnes présentes, une occasion de chute (Matthieu 13, 54-58).

Or, rien que le fait de dire que Jésus est le fils du charpentier Joseph devrait faire réfléchir à l’identité de Jésus. En effet, lorsque l’évangéliste Matthieu ouvre son récit par la généalogie de Jésus, il fait remarquer que Jésus est de la descendance de David, le grand roi. Jésus est membre de la dynastie royale. De plus, Joseph, qui va épouser Marie, reçoit un songe. Ce qui arrive à Marie, devenue enceinte, n’est pas une faute. Loin de là, Marie est enceinte en raison d’une vocation qui lui vient de Dieu. Joseph est invité à la prendre comme épouse.

Joseph est l’être humain qui permet de découvrir que Jésus est de la dynastie de David et qu’il vient en ce monde pour accomplir le dessein de Dieu.

Ceux qui ne voient pas cet accomplissement, grâce à la présence de Joseph, à son obéissance au songe, ne comprennent pas la signification de la prédication de Jésus à la synagogue de Nazareth. Pour découvrir l’identité de Jésus, et sa mission, il faut toujours se référer à la volonté de Dieu, à sa Parole. L’accueil de la Parole de Dieu est la foi, l’acte de foi.

Joseph est quelqu’un qui a cru à la Parole de Dieu. Bien plus, Joseph ouvre un chemin de foi à tous ceux qui vont écouter Jésus. Joseph est encore celui qui témoigne de l’œuvre de Dieu en la personne de Marie, qui devient la mère de Jésus, la mère du Messie, Fils de David.

Pour percevoir la grandeur de la Parole de Dieu, nous avons entendu un passage de la Genèse (1, 26 – 2, 3). Lorsque Dieu crée l’être humain, il le crée à son image. Cela signifie que Dieu crée quelqu’un capable de l’aimer, de le connaître, un être libre. Les Pères latins disent : un être humain capax Dei, ouvert à Dieu, capable d’entrer dans la relation que Dieu pose entre lui, Dieu, et l’être humain. Dieu crée un être humain, homme et femme. Ceci n’est pas anodin. Non seulement l’homme et la femme ont une même dignité, mais, en même temps, ils reçoivent une mission identique : Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Engendrer pour donner la vie à d’autres êtres humains ; gérer la création selon la Parole de Dieu. Ce sont des aspects de la vocation et de la mission de tout être humain. Nous en trouvons une facette dans la vie de Joseph, le charpentier de Nazareth.

Le récit de la Genèse se termine par le 7^ème jour, le jour que Dieu bénit, le jour que Dieu fait sacré. Il se repose de toute la création qu’il avait faite. C’est là que nous saisissons l’impact de la Parole de Dieu. Elle est créatrice et, en même temps, contemplation. Chaque jour, Dieu voit que ce qui vient à l’existence est bon. Et, au terme, Dieu contemple ce qui est venu à l’existence.

En ce temps de Pâques, nous avons entendu beaucoup de textes de la Bible qui manifestent que le mystère pascal de Jésus correspond à la Parole de Dieu, au dessein de Dieu. Jésus est mort selon les Ecritures. Il est ressuscité selon les Ecritures.

En même temps, la résurrection du Christ inaugure un monde nouveau, une création nouvelle. La tradition de l’Eglise parle ici d’un huitième jour, un jour nouveau par rapport à la création de la Genèse. Les textes du Nouveau Testament parlent des femmes et des disciples de Jésus qui vont au tombeau le 1^er jour de la semaine.

Joseph est celui qui a vu l’aube des temps nouveaux. Il ne fait pas partie des personnes qui ont vu le Ressuscité. Il acontemplé l’aube des temps nouveaux en la personne de Jésus, né à Bethléem, exilé en Egypte, qui a grandi à Nazareth.

Nous avons la chance de voir les temps nouveaux, la création nouvelle en participant, dès aujourd’hui, au mystère pascal du Christ. Dans la création nouvelle, le mal, le péché, la mort sont destinés à disparaître. Sur le Christ la mort n’a plus aucun pouvoir.

L’Eglise, le Corps du Christ dont il est la Tête, témoigne de cette création nouvelle. L’Eglise annonce, dans la personne du Christ, la création nouvelle. Elle se laisse vivifier par l’Esprit Saint, le don du Père, qui renouvelle toute chose.

Aussi, chaque fois que l’Eglise annonce la Parole de Dieu, célèbre le mystère du Christ, se met au service de tout être humain, elle témoigne de la création nouvelle inaugurée par le mystère pascal du Christ.

Ce témoignage, nous l’exerçons selon notre vocation personnelle, selon notre état de vie, selon notre âge. Ce témoignage ne s’arrête pas avec l’âge de la retraite. Quelle que soit notre condition, nous sommes des personnes créées à l’image de Dieu, appelées par lui à manifester la Parole de Dieu là où nous sommes envoyés, là où nous sommes accueillis. Et même si nous avons parfois l’impression d’être inutiles, en raison de nos infirmités ou de notre âge, le Seigneur continue à nous appeler et à nous envoyer en mission.

Dans le mystère pascal du Christ, il y a toujours quelque chose d’insoupçonné. Regardons simplement la foi des disciples de Jésus. Lorsque Jésus annonce sa passion, Pierre ne veut pas accepter que ce soit vrai. C’est une pierre d’achoppement. Après l’arrestation de Jésus au jardin des oliviers, près de Jérusalem, Pierre renie Jésus dans la cour du Temple. Lorsque le Ressuscité vient auprès de ses disciples le soir de Pâques, ils sont remplis de joie. Et le jour de Pentecôte, Pierre parle en public avec une force de conviction qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Qui aurait pu soupçonner le chemin parcouru par Pierre entre l’annonce de la Passion de Jésus et la Pentecôte ? Je suis persuadé que nous parcourons le même chemin que Pierre dans le témoignage du Ressuscité.

Avec saint Joseph, Marie, les apôtres et tous les disciples de Jésus chantons la louange de Dieu qui nous crée et qui nous sauve du mal, du péché et de la mort et n’hésitons pas à témoigner du Christ, qui inaugure un monde nouveau.

 

+ Guy Harpigny,

Evêque de Tournai